mercredi 25 décembre 2013

14,7 kilos d'amour.


Elles sont assises dans la cuisine, l'une en face de l'autre.

L'une prépare les légumes pour le soir, l'autre termine un travail en retard.

On pourrait presque croire à une banale scène familiale. 

Mais non. Même s'il est fort, le sang n'est pas le lien, tressé, qui les lie.

La jeune femme, à moitié affalée sur ses feuilles qu'elle gribouille avec acharnement sans parvenir à ordonner ses idées, grogne un peu, peste contre cet esprit qu'elle ne parvient pas à concentrer.

L'autre femme, qui pèle et coupe ses légumes avec application, la regarde d'un oeil tendre. Elle connaît les pensées que tente d'écarter de sa tête la demoiselle. 

- Concentre-toi un peu.

- Mais j'arrive pas !, lui répond, découragée, l'autre. 

- Montre-moi, qu'est-ce que tu n'arrives pas à faire ?

 Quelques mots grognons lui expliquent le problème.

- Calme-toi, essaie de clarifier tes idées et mets de l'amour dans ton travail. Ne te braque pas comme ça.

L'étudiante se remet à son problème, trouve l'ébauche d'une solution, puis, démotivée à nouveau, soupire et envoie balader son crayon.

- Non mais ça marche pas, là, ça vient pas, tant pis, je le ferai plus tard.

- Non. Tu arrêtes de faire ton mauvais caractère et tu t'y remets. 

- Non. Ca me fait chier.

- ... Pardon ? 

Elle pose son épluche-légumes sur la table ainsi que la pomme de terre qu'elle tient dans son autre main. 

- Répète ce que tu viens de me dire.

La plus jeune relève les yeux et, dans un mouvement de rébellion, lui lance :

- J'ai dit : ça me fait chier. Ca veut dire que j'en ai marre, que j'arrête de bosser, que ça me pète les ...

- Tais-toi ! Tout de suite ! 

La plus grande s'est levée d'un bon. Elle rejoint l'insolente qui, par fierté, reste bien droite sur sa chaise et la fixe du regard. 

Elle lui envoie une gifle qui fait un peu chanceler la jeune fille et l'attrape par la natte pour la forcer à se mettre debout.

- Comment tu me parles ? C'est ça le respect ? Tu ne retiens rien de tout ce que je t'ai dit ? ... Réponds !

L'autre baisse les yeux et marmonne :

- Arrêtez de me parler comme ça, vous comprenez rien, j'arrive pas, j'ai dit !

La femme rit un peu. 

- Tu veux jouer à la grande ... On va voir si tu vas faire la maligne très longtemps avec moi.

Elle lui attrape à nouveau la tresse et la force à la suivre dans le couloir. Elle marche d'un pas vif. 

- Je m'en fous !, crie la rebelle, vous pouvez me frapper mais j'obéirai pas et je vous résisterai !

- C'est ce qu'on va voir, lui répond-elle d'une voix très calme en tirant un peu plus sur les cheveux de la fille qui s'agite au bout et qui tente de marcher au même pas que sa correctrice.

Arrivées dans la chambre, la femme, toujours en tenant fermement la tresse de sa protégée, se saisit de la cravache et lui en assène un coup sur les mollets, par-dessus ses habits. Puis un sur les cuisses, derrière. Puis devant. Un sur le bas du dos. Trois sur les fesses. 

- Je vais continuer comme ça, de plus en plus fort, jusqu'à ce que tu sois disposée à obéir et à te plier à la punition. Et là, seulement, je pourrai te punir vraiment. 

Elle continue à la frapper un peu partout. Les habits la protègent un peu de la violence des cinglades mais, peu à peu, c'est comme si chaque coup se diffusait dans son corps comme des coups d'électricité. Bientôt, les coups, qui tombent régulièrement, à chaque fois sur une autre partie de son corps, deviennent insupportables. C'est à qui craquera la première. 

Faire mal pour son bien ? Mais avec quelle limite ?

C'est à la punie de décider. De se plier et d'accepter enfin. D'oublier la confrontation, inutile, gratuite, pour se laisser glisser dans la correction méritée et pouvoir ensuite se sentir mieux, aimée, toujours, et pardonnée.  

- Arrêtez, s'il-vous-plaît, ça fait mal !

Elle continue à recevoir les coups de cravache, dans le dos maintenant, principalement, et sur le derrière des cuisses.

- Ca fait MAL !

- C'est à toi de décider quand ça s'arrête, lui répond-elle en lui assénant un coup sur les mollets.

- D'accord, pardon, pardon, j'obéis ! 

Elle reçoit encore quelques coups. Tombe à genoux et ne tente pas de se protéger des derniers coups en signe d'acceptation.

La femme lâche les cheveux de sa punie et s'assieds sur le lit, en tenant toujours la cravache dans sa main, posée sur ses genoux. Elle prend un temps pour que les deux reprennent leur souffle. Elle entends chez la fille recroquevillée des prémices de sanglots à venir. 

Elle l'appelle par son prénom. Puis lui dit :

- Tu vas te lever et te déshabiller complètement. Jusqu'à ce que je te l'autorise, je ne veux pas entendre un seul mot sortir de ta bouche, à part des pleurs et des cris si tu en as besoin. Tu sais qu'ils ne me dérangeront pas et que le fait que tu cries ne m'arrêtera pas pour autant. Allez, déshabille-toi.

Elle s'exécute. Enlève son pull d'abord, puis son pantalon. Son t-shirt, ensuite. Puis ses sous-vêtements, la culotte en dernier. Elle garde la tête baissée et ses mains cachent sa pudeur. 

- Tes bras le long du corps, mademoiselle. Je t'ai déjà dit que ça ne m'intéresse pas et que tu n'as pas à te cacher de mon regard. Tu as confiance en moi. 

Elle ramène ses mains contre son corps et n'ose pas caresser les endroits où la cravache a mordu la peau à travers le tissu.

- Alors comme ça tu as l'intention de me résister et ne pas obéir ..., lui dit-elle en promenant la cravache sur son corps.

- Non c'est pas ce que... Aïe !, crie-t-elle en recevant un grand coup de l'instrument fin sur le côté de la cuisse.

- Tais-toi ! Qu'est-ce que j'ai dit ! Pas un mot !

La jeune fille nue tremble un peu. La sensation de grelottement traduit toujours chez elle les émotions violentes qui la traversent. 

- Viens ici. Regarde-moi, relève la tête. Voilà, très bien. Tout va bien, d'accord ? Tu vas être punie très fort et à chaque coup que tu vas recevoir, je veux que tu sentes tout mon amour. Je veux que tu sois une belle personne. Et parfois, quand il t'arrive de déraper, je dois recadrer les choses pour pas que tu ne recommences et que tu te comportes bien. 

Elle fait une légère pause, l'observe, puis dit :

- Allez. Allonge-toi sur le ventre. Tu vas recevoir cinquante coups et les compter dans ta tête.

Elle se met en position. Et la femme, maintenant agenouillée à côté d'elle, sur le lit, lui caresse un peu les cheveux et attrape la main que la jeune fille lui présente, dans son dos. Elles se tiendront ainsi pendant le premier coup et tous les suivants, en serrant un peu leurs doigts parfois, surtout dans les dix derniers coups, plus violents et marqués. 

Elles se tiendront encore les mains lorsqu'elle demandera pardon en pleurant après le dernier coup.

Elles se tiendront encore la main lorsqu'elles s'endormiront d'épuisement sur ce même lit, repues d'émotions et enfin apaisées.

Et même ! Lorsqu'elles seront séparées à nouveau, à des kilomètres de distance, même là ... elles se tiendront encore la main.

(dernière image : Egon Schiele)